Angleterre – Argentine : histoire d’une rivalité

Cette semaine, pas de championnat ou de coupes, c’est matchs internationaux. Je n’ai jamais éprouvé un grand intérêt pour ce type de rencontre en dehors des grandes compétitions. Les phases de qualification sont toujours assez inintéressantes, les matchs et les enjeux étant trop lointains, le niveau de jeu bien inférieur au foot de club. C’est pourquoi je ne vais pas vous parler du Pays de Galles – Angleterre de ce week-end mais plutôt revenir sur une des plus fortes rivalité footballistiques au monde, opposant l’Angleterre à l’Argentine.

 

L’Angleterre a de nombreux ennemis et rivaux dans le sport. Pratiquement tous les pays en fait. Mais certains plus que d’autres. La France par exemple est un pays que nos amis anglais adorent détester (sentiment partagé). La rivalité est également très forte avec une autre grande puissance européenne, l’Allemagne. Sans parler des pays de Grande-Bretagne (cf. sifflets du public gallois lors du God Save the Queen samedi dernier). Mais il y a un pays avec lequel la rivalité et la tension atteint son paroxysme, c’est l’Argentine.

Comment deux pays, éloignés de plusieurs milliers de kilomètres, ne s’étant rencontrés qu’en de rares occasions, ont pu développer une telle animosité l’un envers l’autre ? La forte immigration allemande post seconde guerre mondiale dans le pays de la pampa, du tango et du boeuf ne suffit pas à expliquer cela (spéciale dédicace au magnifique Gabriel Heinze). Votre serviteur s’est donc penché sur cette rivalidad de puta madre boludo. Au programme : 1966, Thatcher, Maradona, Michael Owen, Diego Simeone et David Beckham.

1966 : début de l’histoire

Les premières tensions entre l’Argentine et l’Angleterre eurent lieu lors du quart de finale de la coupe du Monde 1966 qui se disputa à Wembley. Les Argentins ont qualifié ce match el robo del siglo, le vol du siècle, à cause de décisions arbitrales litigieuses. L’arbitre allemand du match valida en effet un but semble-t-il hors jeu de l’attaquant anglais George Hurst et le capitaine Argentin Antonio Rattin fut expulsé dès la 35ème minute sans raison valable (l’arbitre prétexta des insultes mais il ne parlait pas espagnol et le n°10 argentin ne parlait ni anglais, ni allemand).

Ce match se disputa dans un climat de suspicion générale, les pays sud-américains étant persuadés que les européens avaient arrangé la compétition pour les éliminer et faire gagner l’Angleterre sur ses terres. Le quart de finale entre la RFA et l’Uruguay avait déjà été sujet à controverse puisque l’arbitre, Anglais, avait expulsé deux Uruguayens en début de seconde période. Le fait que l’arbitre du match entre l’Angleterre et l’Argentine était Allemand fut perçu du côté du pays adoptif de Florent Pagny comme un petit arrangement entre (faux) amis. Après le match, le manager anglais, Alf Ramsey, refusa même à ses joueurs le droit d’échanger leurs maillots avec les argentins, Rattin s’étant assis sur le tapis rouge réservé à la famille royale après son expulsion, injure suprême au pays du fish’n’chips et des Monthy Python. Un reportage d’ESPN revient sur cette rencontre :

 

1986 : la revanche Argentine sur les Malouines

Le quart de finale disputé au Mexique en 1986 marqua un vrai tournant dans la relation entre les flegmatiques anglais et les fougueux argentins. Pour bien comprendre les enjeux et la portée de cette rencontre, il faut revenir sur le contexte politique de l’époque. Et plus précisément sur un bout de terre isolé au large de la Patagonie, îlot de roche sans intérêt spécifique, économique ou énergétique : les Malouines et l’absurde guerre qui en découla. Si ce ne fut pas le plus long (3 mois), ni le plus meurtrier des conflits (environ 1 000 morts dont les 2/3 côté argentin), il est assez symptomatique de la politique menée par Margaret Thatcher au cours de sa (trop) longue période à la tête du gouvernement britannique.

Si l’Argentine n’est évidemment pas exempte de tout reproche dans cette situation, l’envahissement de l’île sous contrôle britannique ayant surtout pour but de réanimer les instincts patriotiques d’un peuple commençant à exprimer trop vivement son mécontentement vis-à-vis du gouvernement dictatorial en place à l’époque, la réaction anglaise fut tout aussi absurde, voire même plus condamnable de par sa puissance et de par son statut de Grande Nation. Malgré les efforts américains pour rabibocher deux de ses plus proches alliés, la fermeté affichée par la dame de fer, au mépris même des recommandations de l’état-major militaire de sa Majesté, plongea l’Angleterre dans un affrontement idiot. L’idée de Maggie était de sortir l’artillerie lourde, de montrer les muscles à ses imprudents argentins et de signifier au monde que cette bonne vieille Angleterre était toujours là et qu’on ne la provoquait pas sans conséquences.

Le conflit fut évidemment totalement déséquilibré, les moyens britanniques étant bien supérieurs aux argentins. Il dura cependant bien plus longtemps que ce qu’avait prévu le prétentieux gouvernement britannique. Les jours passant, les morts rentrant au pays, Thatcher se trouva face à la montée des critiques d’une guerre commençant à être perçue comme inutile. Elle persista et le contrôle de l’île fut repris le 14 juin 1982, la gouvernance étant toujours valable de nos jours. Je vous conseille le visionnage de ce reportage d’Arte (Guy Truite est aussi un intellectuel), en 4 parties :

 

Quatre ans après la fin du conflit, l’Argentine retrouvait son bourreau en quart de finale de la coupe du Monde 1986 au Mexique. La rivalité politique et militaire se déplaça alors sur le terrain footballistique. Sauf que, contrairement aux Malouines, c’était cette fois-ci l’Argentine qui était la mieux armée, emmenée par le général Maradona. En 90 minutes, l’Abiceleste tenait sa revanche sur les Three Lions. Une victoire 2-1 au cours d’un match de légende marqué par une main et une chevauchée fantastique pour 2 buts d’un Maradona moulé dans son ensemble Le Coq Sportif (esprit vintage quand tu nous tiens…).

Cette main de Dieu fut finalement comme un formidable doigt d’honneur à l’Angleterre, un joli pied de nez à Thatcher, le mépris de la loi et la roublardise affichée par Maradona faisant penser au mode de fonctionnement de l’ancienne Prime Minister. Le n°10 argentin, toujours populaire et populiste, déclara suite à ce match : « Bien que nous avions dit avant le match que la guerre des Malouines n’avait rien à voir avec le football, nous savions qu’ils avaient tué beaucoup d’Argentins là-bas, qu’ils les avaient abattus comme des petits oiseaux. Et cette victoire est une revanche ». Suite à ce match, l’Argentine s’envola vers le titre mondial, faisant définitivement rentrer Maradona dans la légende du football et renforçant à jamais la rivalité entre ces deux pays. Pour le plaisir, le résumé vu et revu du match :

 

1998 : David Beckham, traître de la Nation

En 1998, un nouvel et superbe épisode ajouta une ligne de plus à la légende, les 2 pays se retrouvant pour la première fois depuis 1986 en compétition officielle (un match « amical » avait eu lieu en 1991 à Wembley pour un résultat nul 2-2 célébré comme une victoire en Argentine, les deux buts ayant été marqués sur corner, une spécialité toute britannique). Le match se déroula à Saint-Etienne, lors de la coupe du Monde 1998, en huitième de finale. Les argentins furent encore vainqueurs, cette fois-ci aux pénalties, après un match épique, révélant deux héros malheureux au monde entier, le futur ballon d’or Michael Owen, et le déjà métrosexuel David Beckham.

Après 2 penalties réussis dans les 10 premières minutes par les buteurs maison respectifs, Batistuta pour l’Argentine (6ème minute) et Shearer pour l’Angleterre (10ème minute), le jeune attaquant de Liverpool (qui avait déjà provoqué la faute amenant le pénalty anglais) marqua un des plus beaux buts de la compétition à tout juste 18 ans. Lancé par David Beckham, Owen s’emmena le ballon d’une aile de pigeon, accéléra laissant sur place José Chamot, crocheta Ayala aux abords de la surface et fusilla Carlos Roa d’un tir en pleine lucarne. C’était la 16ème minute de jeu, l’Angleterre menait déjà 2 buts à 1 et Michael Owen venait de se révéler au monde entier. L’indispensable Javier Zanetti égalisa juste avant la mi-temps suite à une combinaison sur coup-franc. Ce match enthousiasmant se durcit par la suite, les Argentins faisant preuve de roublardise (l’école argentine étant assez réputée, cf. protection de balle + chute en se roulant à terre régulièrement interprété par el  Senor Gabriel Heinze).

C’est cela qui fit péter les plombs de Beckham dès le début de la seconde mi-temps et provoqua l’autre évènement marquant du match. Répondant aux incessantes provocations de Diego Simeone, le milieu anglais, alors à terre, fut expulsé pour avoir volontairement crocheté l’argentin. Si l’ancien défensif de l’Inter et de la Lazio et actuel entraîneur de Catane en rajouta, le mal était fait et Beckham sorti tête basse, abandonnant ses coéquipiers dès la 47ème minute. Bien que la décision eu lieu lors de la toujours indécise séance de tirs aux buts, Beckham fut pointé du doigt par tout un pays et toute une presse comme le principal artisan de cette défaite (malgré les échecs de Paul Ince et David Batty aux tirs aux buts). Le Dail Mirror titra d’ailleurs : « 10 Heroic Lions, One Stupid Boy ». Le résumé du match (vous y retrouverez, j’espère avec autant de plaisir que moi, David Seaman sans queue de cheval, Tony Adams, Claudio Lopez ou encore Batigoal) :

 

2002 : la rédemption définitive de Beckham

Le dernier match officiel entre ces deux pays eu lieu en 2002 lors de la coupe du Monde en Corée du Sud et au Japon. Cela se passait cette fois-ci en phase de poule. David Beckham et sa crête blonde, depuis devenu un des meilleurs joueurs du monde, se fit définitivement pardonner au cours de ce match en marquant l’unique but de la rencontre sur penalty (une nouvelle fois provoqué par Michael Owen face à Pochettino, petite pensée pour les parisiens nostalgiques fatigués des références au ténébreux Gabriel Heinze), donnant la victoire à l’Angleterre. Bien qu’entre les deux coupes du Monde, l’ailier droit mancunien avait déjà effacé la bourde de 1998, notamment grâce à une saison 1998-99 fantastique, le voyant faire le triplé avec Manchester United et finir second au Ballon d’Or derrière Rivaldo, ce match fut comme le Grand Pardon vis-à-vis de la sélection anglaise et du pays tout entier pour celui qui était alors capitaine des Three Lions. The Times, écrivit le lendemain du match « raillé pour le carton rouge provoquant l’élimination de l’Angleterre de la coupe du monde 1998 par les argentins, il (Beckham) se réveille ce matin avec une aura plus grande que jamais. ». Le résumé du match (avec cette fois-ci la queue de cheval de Seaman, le roux Nicky Butt et le pied gauche de Kily Gonzales) :

 

Sir Guy